Texte pour la toile grise

 Ma machine à laver le linge, dans sa fonction d'essoreuse, fonctionne tellement bien que la saleté passe d'un vêtement à l'autre.  Les impuretés sont ainsi ressassées sans perdre leur vivacité.  Il suffit d'y mettre un quelque chose de gris pour constater que, plutôt qu'être lavé, la teinte n'en est que plus foncée.  On parle alors d'un délavé, et on oublie le blanc. Si j'en parle ici c'est parce que sous ce gris, il y avait un mouchoir, souillé en plus, par un type atteint d'une pneumonie très maligne.  Le pauvre!  Il est mort je crois, tout comme son mouchoir.  Alors, pour revenir à la peinture, le gris oublie, comme il cache, tout.  Couleur de cambouis, verdâtre, presque anthracite, repose sur un dépôt pulmonaire, alors que tout porte à croire qu'il s'agirait plutôt d'un atelier de machiniste.  Étrangeté imaginaire qui transporte son locataire d'une vérité à l'autre, sans plus ni moins.  C'est aussi la couleur de mon chapeau, de mon chat et de ma télé lorsqu'elle est éteinte.

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Gris, 2007, huile sur tableau / oil on painting, 7’ X 5’ 6’’, 2,14 X 1,68 m.